Mémoires sur le règne de Napoléon III 1851-1864 :
Horace de VIEL CASTEL (1806-1878)
chez ROBERT LAFFONT à Paris, coll. BOUQUINS
*!*
Horace de VIEL CASTEL (1806-1878)
chez ROBERT LAFFONT à Paris, coll. BOUQUINS
*!*
(Magistrat et homme politique français, né à Yvetot en 1806, mort à Paris en 1878.)
Voir Page :
" Le général Sauboul qui était allé en visite chez le ministre de la Guerre y a appris les nominations suivantes :
- Le maréchal Pélissier, duc de Malakoff, avec cent mille francs de traitement.
- Roulland, avocat général, ministre de l'Instruction publique.
Je suis fâché de ce dernier choix qui est dû à l'influence des ministres. Pauvre France !... Pauvre nous !... "
" Le Moniteur annonce ce matin les deux nouvelles que j'inscrivais hier.
Quelle cause amène M. Roulland, qui est ce qu'on est convenu de décorer du titre d'honnête homme ?
Les ministres ont fait tomber le choix de l'Empereur sur ce procureur général pour deux raisons : la première, c'est qu'il ignore l'Université et l'Eglise, deux antagonisme difficiles à manier, et qu'arrivant sans préparation entre les deux, il aura besoin d'appui et de conseil et sera plus facile à diriger. M. Roulland ne connaît ni l'état politique, ni l'état social de la France.
Deuxièmement : M. Roulland, sans fortune, a besoin de tout ce qui en nécessite une. Il envie la puissance de la fortune, il appartient alors à ce concert de grands filous qui trafiquent de tout, et font litière de tout, malgré les tartines du Moniteur contre les influences, ce sont gens qui crient au voleur ! alors qu'ils ont les poches pleines et que le champ n'est plus occupé que par des glaneurs.
M. Roulland a marié son fils à la fille de Giroux le peintre de paysages, frère d'Alphonse Giroux papetier et marchand de tableaux (Note *). Nous allons avoir la dynastie des Giroux à opposer à celle des Baroche ; ce seront les Montmorency et les La Trémouille de ce ruisseau qu'on nomme le XIX° siècle et qui charrie tant d'immondices.
Qui créera donc d'assez vastes égouts pour enfouir toutes ces saletés ? "
(Note *) : Hippolyte ROULAND, fils de Gustave, a épousé, le 19.06.1856 à Paris, Marie Anaïs Lucille GIROUX, fille d'André GIROUX, peintre paysagiste, dont Alphonse est le père et non le frère !!! ... je pense !
" J'ai vu la Guéronnière qui est venu me donner la clef de l'intrigue par suite de laquelle Roulland est arrivé au ministère.
Lundi dernier, Fould avait dit à La Guéronnière : Vous êtes pouur ainsi dire notre collègue, car vous êtes accepté par l'Empereur et le conseil, votre nomination n'est plus qu'une formalité à remplir.
Cependant Fould, qui pouvait comme ministre d'Etat abréger la formalité et présenter sans retard la nomination à la signature, ne se pressait pas, car il espérait encore démembrer du ministère de l'Instruction publique toute la partie littéraire pour en enrichir le ministère d'Etat. Billault et Abbatucci restent à Saint-Cloud, ils circonviennent l'Empereur, ils le pressent, et Roulland est nommé presque en cachette. Quelques ministres, entre autres M. Magne, ont su la nouvelle par le Moniteur .
L'Empereur se fait une fausse idée de l'état des partis ; ...
Je viens de voir Nieuwerkerke, on est persuadé chez la Princesse Mathilde que l'entrée de Roulland à l'Instruction publique n'est qu'une étape pour arriver au ministère de l'Intérieur et que c'est la crainte d'être remplacé par lui qui a poussé Billault à le faire nommer en remplacement de Fortoul. "
" J'arrive de Saint-Gratien où La Guéronnière et l'abbé Coquereau sont venu passer la soirée hier. La Guéronnière et la Princesse Mathilde prétendent que la nomination de Roulland est due à Abbatucci seul, et que Billault en a été désagrement surpris, car il voit en lui un remplaçant.
L'Empereur a dit à la Princesse : Roulland n'est pas encore tout à fait à sa place.
Enfin on espère un peu le renvoi de Billault. "
" J'ai dîné avant-hier en tête à tête avec le maréchal Canrobert ; c'est un très bon homme, un peu gonflé de sa dignité, ...
Walewski quittera probablement le ministère et Billault serait, assurément remplacé par Roulland. Le renvoi du premier ne serait pas une perte, le renvoi du second serait une victoire pour l'Empereur. "
" Ce père Ventura, disons-nous, vient aujourd'hui tonner contre l'enseignement libéral.
L'Impératrice favorise cette tendance d'une partie du clergé, elle aura peut-être un jour à déplorer cet égarement, nous le craignons ; quant à l'Empereur impassible et impénétrable, il écoute et se forme peu à peu un jugement que suivra une détermination inflexible.
Quelques paroles de M. Rouland, ministre des Cultes, le font présumer. Ce ministre est effrayé du chemin qu'ont fait les ultramontains, et il a laissé échapper qu'avant peu il y serait porté remède . "
" Billault est nommé grand-croix de la Légion d'honneur !
Rouland est grand officier.
La plupart de ces croix tombant sur de telles poitrines, de ces récompenses accordées à de tels hommes ont l'air de défis à l'opinion publique. "
" Je causais hier avec le maréchal Canrobert et le Marquis d'Audiffret du personnel des fonctionnaires d'aujourd'hui, voici quelques petites anecdotes que j'ai recueillies.
Mocquard ...
Le père de S.E.M. Rouland, ministre de l'Instruction publique et des Cultes, était domestique chez le père du marquis d'Audiffret ; il fut fidèle, honnête et dévoué à son maître pendant la révolution(Note **). "
(Note **) : Où la langue acérée de vipère d'Horace a-t-elle pu trouver cette information ? Sur l'acte de naissance de Gustave que j'ai pu obtenir, son père est huissier à Yvetot ! De plus, sa mère étant décédée à sa naissance, il a certainement été mis en nourice pour ses jeunes années, puis mis pensionnaire au Collège de Rouen ; enfin, il a fait son droit à Paris avant d'entrer en magistrature à Rouen (par la grande porte comme le mentionne la thèse de Julien Vinuesa sur le Parquet Rouennais ! )
" Le jour de la fête de l'Impératrice, on a joué à Compiègne une grande charade dont Mérimée et Mocquart avaient fait la poésie. Rouland, le ministre des Cultes, y remplissait un rôle bouffe d'Auvergnat fort divertissant, au dire de tous, c'est un parfait comique. Les actrices presque toutes étrangères ont estropié la poésie à qui mieux mieux. "
" Boilay, secrétaire général du Conseil d'Etat, me parlait ce matin de son pprésident Baroche et il me disait qu'il n'avait jamais connu d'homme aussi peu scrupuleux au maniement de l'injustice. Non seulement il a soin de la fortune de ses fils pour lesquels il fait mettre de côté toutes les règles de l'avancement hiérarchique, mais pour les parents de ses valets, il déplace, il congédie de bons serviteurs et met au pillage les emplois.
Messieurs les ministres se gênent peu.
Magne a fait son fils receveur général.
Rouland a fait du sien un ministre de l'Instruction publique et des Cultes en second, et ce jeune faquin reçoit avec une certaine suffisance les professeurs les plus distingués, les membres de l'Institut et nos prélats les plus éminents(Note ***). "
(Note ***) : Je rappelle simplement qu'Hippolyte ROULAND, fils de Gustave, a passé sa thèse de licence en Droit le 08.12.1853 à Paris ; on la trouvera au chapitre VI (gustafis.htm). Ce n'est pas si-mal pour un jeune faquin !!! Réf. dictionnaire(ROBERT) faquin=individu sans valeur, plat et impertinent ! tout ça !!! (injure au XVII° siècle !)
" L'assimilation de l'Empereur à Machiavel est injurieuse, dit Monsieur Rouland, pourquoi donc les Italiens dressent-ils côte à côte ces deux statues ?
Rouland ne veut pas abandonner à la merci des passions personnelles et des haines de partis, l'honneur de la politique française et la loyauté des principes si solennellement affirmés .
Rien de tout cela n'est attaqué. Pauvre Rouland ! Ce n'est pas l'honneur de la politique française que conspue Montalembert, c'est son déshonneur, c'est ce travail souterrain que la France a laissé faire, enfin c'est le dépouillement du Pape opéré, on ne saurait le nier, en présence de l'armée française, et quant aux principes si solennellement affirmés ! il faut croire que la révolution est un principe car la révolution seule a été choyée. "
" Monsieur de Saulcy n'est pas le seul sénateur nouveau dont s'enrichira le palais du Luxembourg ; avec lui entrent dans le premier coorps d'Etat : Monsieur le comte de Lagrange, général de division, plus connu pour ses intimités avec les filles de marbre que pour ses hauts faits militaires ; puis enfin, Monsieur Rouland, ministre de l'Instruction publique et des Cultes. "
" Enfin nous l'emportons, le Ministère est en dissolution ; Thouvenelle est déjà remplacé par Drouyn de Lhuis, La Valette et Benedetti quittent leurs postes, nous voilà, je l'espère, désitalianisés pour longtemps.
Persigny résiste encore, mais il partira avec les autres ; Rouher ira gémir dans les bras de Vimercati ; Rouland disparaîtra, Fould est plus incertain. "
" Rouland disait avant-hier à un homme de mes amis, écrivain politique distingué : Le gouvernement est fou ! depuis douze ans, il n'a pas créé un homme, il n'a pas fait éclore un talent et il arrive désarmé de défenseurs devant le Corps législatif ; il s'adresse à des vétérans pour les placer en barricades ; je sais bien que pour ma part, je n'ai pas envie de me faire casser le cou et j'ai dit à Rouher : mon cher ami, j'ai bien assez du Conseil d'Etat, tâchez de vous en tirer avec le Corps législatif. "
Voir le Cursus détaillé de Gustave ROULAND