Notice sur Victoire BRIELLE

dite la Sainte de Méral

par l'abbé Moriceau, chanoine de LAVAL

1882

Couverture de la notice


Note : nous n'avons retenu que le chapitre VIII où il est fait référence au docteur Raulin, mon ancêtre ! Pat@


VIII

- DIX-NEUF ANS DANS LE TOMBEAU.

- DECOUVERTE DU CORPS.

- CONSERVATION ET IDENTITE CONSTATEES.

- JOIE UNIVERSELLE (1).

Le prêtre, en bénissant le tombeau d'un chrétien, prie le Seigneur de députer pour le garder un de ses anges. Sous la protection de cet ange, qui fit bonne garde, Victoire continua son paisible sommeil. Dix-neuf ans s'écoulèrent. Son tombeau, que rien ne distinguait des autres fosses, qui ne portait aucune inscription, allait être bientôt oublié. C'était en 1866, le 20 du mois d'août, le sacristain Feuchaud, qui avait creusé la fosse de Victoire, allait ...

(1) Dépositions de nombreux témoins.

Rapport de M. Maulavé, curé de Mézangers. Procès-verbal du docteur Raulin (*), etc.

( Note * : Le docteur RAULIN en question est Joseph Julien RAULIN (1810+1874) de Cossé, le grand-père de mon grand-père Jules-Marie RAULIN, soit mon AAGP (arrière-arrière- grand-père !!! )

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la rouvrir pour y déposer le corps d'un homme qui, dans sa vie et sa mort, n'avait pas parfaitement ressemblé à notre chère sainte. Arrivé à une certaine profondeur, Feuchaud découvre un cercueil qui paraît entier; d'un vigoureux coup de pioche, il brise les planches; il aperçoit un linceul très blanc, et une main apparaît tournée, vers lui, comme la main d'une personne vivante. A cette vue le pauvre Feuchaud, effrayé prend la fuite, et il annonce dans le bourg la merveilleuse découverte. En peu de temps une foule nombreuse arrive et se presse sur le bord de la fosse. On remarque l'intégrité du cercueil; on examine la main qui s'est dégagée du linceul : elle est pleine, souple et flexible et la peau est blanche. Quelques instants après, le vicaire, M. Maulavé, arrive; il descend dans la fosse, entr'ouvre un peu le linceul, enlève le suaire qui couvre le visage, et on voit une figure qu'on dirait vivante. « Le visage est plein, écrit M. Maulavé, le teint frais et vermeil : les lèvres un peu rapprochées laissent apercevoir des dents très blanches; les yeux, sont légèrement fermés comme ceux d'une personne qui dort. Les traits, nullement contractés, donnent à cette figure un air presque souriant. Les cheveux blonds châtains sont rangés en bon ordre sous un simple bonnet. Il est constaté qu'il ne s'exhale aucune odeur ni ...

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du cercueil ni du corps. On dirait que les planches de la bière sortent des mains de l'ouvrier. Les clous ne sont pas rouillés. La toile qui enveloppe le corps craque comme du linge neuf. Le suaire en batiste est très frais. » Les nombreux témoins qui se pressent autour de cette fosse ( on évalue le nombre à cinq ou six cents) considèrent, constatent toutes ces choses; ils reconnaissent qu'ils ont sous les yeux un prodige, et concluent unanimement que c'est là le corps d'une sainte. Mais qu'elle est cette sainte ? La réponse à cette question ne se fait pas attendre. Feuchaud se rappelle qu'il y a dix-neuf ans, il a déposé dans ce tombeau Mlle Victoire Brielle. Plusieurs témoins qui conservaient le souvenir de ses traits, déclarent qu'ils la reconnaissent. Si c'est Mlle Brielle, dit quelqu'un, elle doit avoir à la main droite un anneau d'une certaine façon que lui avait donné son oncle, le capitaine Jégu. On découvre la main droite, et on trouve l'anneau comme il est dit.

Ceci se passait dans la soirée : pendant la nuit, la nouvelle se répandit dans la paroisse de Méral et dans les lieux d'alentour, Cossé, Saint-Poix, Beaulieu, le Pertre. Dès le matin, on arrivait en foule, et pendant la journée, il vint plus d'un millier de personnes. Le corps, qu'on avait laissé exposé à l'air humide de la nuit, ...

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avait un peu noirci : mais tout le monde put constater la souplesse, la flexibilité, la merveilleuse conservation du corps qui reposait dans cette fosse depuis dix-neuf ans. Ceux qui avaient connu Victoire, la reconnaissaient : dès lors il n'y eut aucun doute ni sur l'identité ni sur la sainteté. Les souvenirs de Victoire se réveillant dans les esprits, les nombreux spectateurs se rappelaient les uns aux autres sa piété, sa charité et toutes ses admirables vertus, et c'est avec une joie indicible qu'ils contemplaient cette sorte de résurrection, cette véritable glorification de l'humble servante de Jésus- Christ : ils comprenaient et bénissaient le bienfait de Dieu qui donnait au pays une protectrice et un modèle. On aurait voulu déjà emporter des reliques. Plusieurs personnes réussirent à détacher quelques fragments du cercueil, d'autres emportaient des morceaux du suaire et des cheveux. On ne parla plus de Mlle Victoire Brielle : à partir de ce jour, on dit : la Sainte de Méral.

Certes, on n'accusera pas le curé de Méral, M. l'abbé Gontier, d'un zèle trop empressé dans la circonstance : étant à deux pas du cimetière, il crut devoir rester étranger à l'évènement. Le soir, il donna ordre de refermer la fosse. On rajusta un peu les planches brisées, on descendit le ...

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cercueil, Feuchaud rejeta la terre dans la fosse, et la sainte fut à même de continuer son paisible sommeil.

Cependant cette prudence, qui fut appréciée différemment, eut un bon résultat : elle excita des réclamations très vives et générales. M. Gontier en fut ému. Il écrivit à Mgr Wicart pour l'informer de tout ce qui s'était passé. Sa Grandeur, en ayant pris connaissance, ordonna une nouvelle exhumation et une enquête. Donc, quarante-trois jours après la découverte du corps, le 3 octobre, à neuf heures du matin, M. François Davost, archiprêtre de la Cathédrale, député par Mgr Wicart, M. le docteur Raulin(*), de Cossé, médecin très estimé, M. le curé de Méral et le vicaire, M. Maulavé, M. Brielle, le père de Victoire, son frère Isidore (la mère était morte depuis plusieurs années - les autres parents ne furent pas avertis), M. Guéret, adjoint, et un grand nombre de personnes entouraient le tombeau dans un sentiment de vive curiosité. Le corps fut retiré de la fosse : il apparut tel qu'on l'avait vu, entier, flexible, sans aucune trace de décomposition ; cependant, quelques parties, comme le visage, étaient devenues un peu noires au contact de la terre humide qui avait traversé les planches mal ajustées de la bière : d'autres étaient desséchées et comme momifiées. Le docteur Raulin (*) exa-

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mina les diverses parties du corps : il enleva des lambeaux de chair dans le bras gauche, dont il fit remarquer aux témoins la couleur rosée. Reconnaissant que l'état du corps était vraiment extraordinaire et inexplicable, il consigna ses observations dans un procès-verbal qui fut déposé aux archives de l'église de Méral. De leur côté, les parents et les amis déclarèrent de nouveau qu'ils reconnaissaient certainement celle qu'ils avaient connue vivante. M. Brielle était extrêmement ému en revoyant sa fille si tendrement aimée : il ne put pas rester longtemps ; on le vit sortir du cimetière en sanglotant, accompagné par son fils Isidore. Celui-ci n'était pas moins impressionné. Il emportait, avec l'anneau dont nous avons parlé, une pensée qui ne le quitta plus ; à tout instant du jour et de la nuit il se disait : Ma soeur m'appelle, ma soeur m'appelle. En effet, il mourut quatre mois après, en se recommandant à la très sainte Vierge et à sa soeur (1).

Après ces diverses constatations, le corps fut renfermé dans un nouveau cercueil : un marbre, avec une inscription, fut placé sur la tombe, et bientôt de nombreux ex-voto suspendus à l'entour, marquèrent ...

(1) Dépos. de M. Ch. et de Mme B.

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aux pèlerins le lieu où repose la Sainte de Méral.

On peut comparer Victoire à un grand nombre de saintes vénérées dans l'Eglise : mais il faut convenir qu'elle ressemble parfaitement à Germaine Cousin, la sainte bergère de Pibrac. Germaine et Victoire sont deux soeurs semblables dans leur vie, dans leur mort et après leur mort. Il serait trop long de montrer ces merveilleuses analogies, mais on me pardonnera de citer tout au long l'histoire de la découverte de sainte Germaine. C'est ainsi que le continuateur du P. Giry rapporte cette invention miraculeuse: « Germaine fut enterrée dans l'église, suivant l'usage de cette époque. Toutefois, la place n'eut rien qui la distinguât des autres et ne fut marquée par aucune inscription. Le souvenir de ses bons exemples et de ses vertus ne périt point parmi les habitants de Pibrac ; mais ceux qui l'avaient connue, disparaissaient peu à peu : on oublia la place où elle reposait, lorsqu'enfin il plut à Dieu de manifester hautement la gloire de son humble servante et de lui donner en quelque sorte une vie nouvelle. Ce fut vers l'an 1644, à l'occasion de l'enterrement d'une de ses parentes, nommée Endouale ; le sonneur, se disposant à creuser la fosse dans l'église, avait à peine levé le premier carreau qu'un corps enseveli se montre. Au cri que ...

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pousse cet homme, effrayé de trouver un cadavre, quelques personnes, venues pour entendre la messe, accoururent autour, elles virent et elles ont constaté que le corps était à fleur de terre, et que l'endroit du visage qui avait été touche par la pioche, offrait l'aspect de la chair vive. Le bruit de cet étrange évènement s'étant aussitôt répandu, les habitants du village vinrent en foule pour voir par eux-mêmes ce qu'on leur avait annoncé. Alors, et en présence de tout le peuple, le corps, qui n'avait pu que par miracle être ainsi élevé à la surface du sol, fut découvert entièrement. On le trouva entier et préservé de la corruption. Les membres étaient attachés les uns aux autres et couverts de l'épiderme. La chair paraissait sensiblement molle en plusieurs parties. Les linges et le suaire qui revêtaient ces restes précieux avaient pris la couleur de la terre, mais ils n'avaient pas été plus atteints que le corps lui-même. Les mains tenaient un petit cierge et une guirlande formée d'oeillets et d'épis de seigle. Les fleurs n'étaient que légèrement fanées, les épis contenaient encore leurs grains frais comme au temps de la moisson. A ces signes, tous les anciens de la paroisse publièrent que c'était là le corps de Germaine Cousin, morte depuis 43 ans, qu'ils avaient connue et dont ils avaient vu les funérailles. Tous les ...

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souvenirs aussitôt se réveillèrent ; la miraculeuse apparition et la miraculeuse conservation de ce corps n'étonnèrent plus pesonne. "